Qui parmi nous n'a jamais vécu de stress ? Si certaines personnes peuvent en vivre à l'occasion, d'autres le côtoient malheureusement au quotidien. Lorsque le stress devient chronique, qu’il apparaît de manière fréquente dans des situations banales de tous les jours, on peut même alors parler d’anxiété. L’anxiété, qu’on appelle parfois le « mal du siècle », est une problématique trop bien répandue dans notre vie moderne, et peut nécessiter un soutien professionnel.
Ici, cependant, c’est bien de stress dont je vous parlerai, plutôt que d’anxiété. Le stress, c’est une réponse physiologique de notre organisme à un événement perturbateur qui nous affecte. C’est un état que nous vivons à court terme, et qui existe pour nous permettre de nous adapter ou de nous protéger d’un danger imminent. Le stress est un mécanisme qui, historiquement, a permis à l’humanité de réagir et survivre face aux dangers de son environnement. Le problème, c’est lorsque les sources de stress deviennent nombreuses et répétées, et qu’on se sent envahi et impuissant face aux situations qui en génèrent en nous. Nous ne sommes pas faits pour supporter de façon sereine et optimale une trop grande quantité de stress (auquel cas on risque effectivement, comme mentionné plus haut, de développer des problèmes d’anxiété).
Si on veut arriver à mieux gérer les sentiments de stress dans notre vie, il est utile de comprendre tout d’abord les éléments qui nous mettent dans cet état, pour pouvoir mieux agir dessus. Évidemment, les sources de stress qui existent dans la vie sont innombrables : conflit avec un proche, visite chez le dentiste, travaux en retard, etc… Malgré tout, on dénombre qu’il existe 4 catégories différentes dans lesquelles les différents stresseurs peuvent être classés. Et, en comprenant dans quelle catégorie se trouve notre élément stresseur, il peut être plus facile de savoir comment agir pour essayer de le diminuer. Ces 4 catégories se présentent sous l’acronyme « CINÉ » :
1. C : Le manque de Contrôle
2. I : L’Imprévisibilité
3. N : La Nouveauté
4. É : La menace à l’Égo
Voyons-les ici plus en détails :
C : Le manque de Contrôle
C’est quoi ? : Le premier type de situation qui peut nous amener du stress, c’est lorsqu’on sent qu’on manque de contrôle sur quelque chose. Le sentiment d’impuissance par rapport à une situation vécue par nous ou un de nos proches peut facilement engendrer en nous des sentiments d’inquiétude et de stress. On se sent dépassé, les choses nous glissent entre les doigts, et on sent qu’on a peu ou pas de pouvoir sur ce qui arrive. Et parfois, même lorsque cette impression est erronée, le stress peut surgir quand même : notre perception seule du manque de contrôle ou de solutions peut grandement nous affecter.
Exemples : Pour donner quelques exemples de situations stressantes causées par le manque de contrôle : lorsqu’on n’a pas de pouvoir sur les mauvais choix de notre proche ; lorsque notre proche va mal et qu’on a l’impression qu’on ne peut pas y faire grand-chose ; lorsqu’on a un conflit avec quelqu’un qu’on aime, et que cette personne ne semble pas disposée à vouloir régler les choses avec nous.
Pistes de solutions : Il y a beaucoup de choses sur lesquelles on n’a malheureusement pas, ou peu, de contrôle, et ce n’est pas nécessairement notre réflexe de nous arrêter et de nous poser la question : « Mais, mis à part tout ça, sur quoi est-ce que j’ai du contrôle exactement ? ». Ce questionnement est pourtant un bon point de départ qui permet de dépasser le sentiment d’impuissance, car on essaie alors d’identifier sur quoi on peut agir concrètement. La réponse à cette interrogation ne nous satisfera peut-être pas comme on le souhaiterait, parce que dans un monde idéal, on aimerait avoir un pouvoir sur toutes les variables qui peuvent influer sur notre état. Mais même si cela n’est pas possible, on a toujours une zone de contrôle personnel, aussi petite soit-elle. On peut choisir de demander de l’aide ; on peut choisir d’essayer de prendre une petite pause ou un peu de recul ; on peut choisir les mots qu’on utilise, les informations qu’on transmet, les questions qu’on pose. J’aimerais ici mettre l’emphase sur le fait que choisir de demander de l’aide est un droit pour tous, et un choix qui peut nous amener à vivre moins de solitude, de sentiment d’impuissance, et de stress. Il y a également une zone qui se situe entre notre contrôle et notre absence de contrôle, et qui se nomme zone d’influence : par exemple, on peut essayer de donner notre opinion à notre proche afin qu’il s’oriente vers de meilleurs choix, même si au final, c’est lui qui décidera quoi faire. L’idée pour retrouver un sentiment de contrôle dans une situation serait donc probablement de tenter notre chance avec ce qu’on peut influencer, tout en restant conscient que le résultat final ne dépend pas de nous, et de miser principalement sur les choses qui sont vraiment dans notre zone de contrôle à nous.
I : L’Imprévisibilité
C’est quoi ? : Lorsqu’un événement inattendu survient, il peut arriver qu’on se sente surpris, mais parfois aussi stressé et même pris au dépourvu, dépendant de la nature et de la gravité de la situation. On n’est souvent pas préparé aux situations imprévisibles – simplement parce qu’elles sont, comme leur nom l’indique, difficiles ou impossibles à prévoir. L’imprévisibilité, ça peut aussi être de savoir qu’une situation X va arriver, mais de ne pas savoir comment ça va aller, d’avoir beaucoup d’incertitude à savoir si ça va bien se passer ou non.
Exemples : Des situations où les choses risquent d’être imprévisibles : lorsqu’on a quelque chose de difficile ou d’inconfortable à dire à quelqu’un, et qu’on n’est pas sûr de comment il va réagir ; quand on ne peut pas prévoir avec certitude les effets d’une médication ; quand notre proche a des humeurs instables, et qu’on ne peut jamais vraiment savoir à l’avance si l’on devra « marcher sur des œufs » dans notre prochaine interaction avec lui.
Pistes de solutions : Certes, on ne peut pas vraiment prévoir à l’avance TOUT ce qui pourrait arriver dans l’évolution d’une situation, et encore moins dans la vie tout court, mais il est possible de planifier d’avance comment on aimerait réagir dans le cas de certaines éventualités. Par exemple, on ne peut pas toujours prévoir à l’avance les crises ou les catastrophes qui surviennent, mais il est possible de se demander : « Comment est-ce que je vais réagir si telle chose arrive ? Est-ce que j’y suis bien préparé(e), que ce soit matériellement, physiquement, mentalement ? Est-ce que j’ai les connaissances ou les capacités nécessaires pour gérer seul(e) une telle situation, ou aurais-je besoin d’aide ? Est-ce que j’ai un bon réseau de soutien, des ressources spécifiques vers qui me tourner dans telle ou telle éventualité ? ». Bref, dans les situations où l’on vit avec une personne atteinte de maladie mentale, on a parfois certains signes avant-coureurs des crises qui se profilent, et parfois, ça peut aussi tomber sans qu’on s’y attende. Dans tous les cas, on ne peut jamais vraiment prévoir avec certitude les paroles et les comportements de la personne en face de nous. Se planifier à l'avance un plan d’urgence, se donner des lignes directrices à suivre pour les éventualités les plus probables ou les plus graves, ça peut aider à réduire le stress qu’on ressent par rapport à une personne ou à une situation.
N : La Nouveauté
C’est quoi ? : Quand on vit quelque chose de nouveau et qu’on ne sait pas trop à quoi s’attendre, c’est normal de ressentir un stress. L’incertitude de ce qui va se passer, de comment une nouvelle personne va être, la perte de nos repères… Le fait de mal connaître vers quoi on s’en va, ça peut faire peur. Notre organisme est attentif aux dangers ; lorsque notre cerveau analyse notre environnement, il peut percevoir les variables nouvelles et inconnues comme des menaces potentielles, des risques qu’il n’a pas encore pu analyser. Aussi, si on a déjà eu une expérience négative quelconque par le passé et qu'on se retrouve à présent devant une nouvelle situation qui en présente des similarités, il est normal que notre esprit associe d'abord cette situation inconnue à de potentiels risques ou dangers, et que ça nous amène du stress.
Exemples : Des nouveautés qui peuvent stresser : on vient d’apprendre le diagnostic de quelqu’un qu’on aime, et c’est une problématique qu’on ne connaît pas vraiment ; on doit apprendre à communiquer autrement ou à mettre des limites, alors que c’est quelque chose qu’on n’a jamais vraiment tenté auparavant ; notre proche se prépare à voir un nouveau psychiatre ou un nouvel intervenant qu’il ne connaît pas, et il ne sait pas comment ça va se passer avec cette personne, d'autant plus qu'il a peut-être eu de mauvaises expériences avec d'autres professionnels par le passé.
Pistes de solutions : La nouveauté vient souvent avec l’inconnu, qui peut faire peur ; et le contraire de l’inconnu, c’est bien sûr la connaissance. Autant que possible, on essaie de s’informer sur la nouvelle situation à laquelle on est confrontée, que ce soit en posant des questions à un intervenant sur la maladie de notre proche, en lisant des livres ou des articles sur le sujet, en demandant conseil sur comment mieux appliquer concrètement les notions nouvelles qu’on veut mettre en action. Une autre chose qui peut aider au stress de la nouveauté, surtout si nous ou notre proche devons rencontrer une nouvelle personne (comme un professionnel de la santé), c’est d’être, dans la mesure du possible, accompagné d’une personne de confiance. Avoir avec soi une personne dont la présence nous rassure peut aider à apaiser le stress d’une situation nouvelle et encore mal connue.
É : La menace à l’Égo
C’est quoi ? : Enfin, une cause de stress qui peut parfois être moins bien comprise ou un peu floue est la menace à l’égo. Qu’est-ce que ça veut dire, concrètement ? Tout d’abord, entendons-nous ici sur une définition résumée de ce qu’est l’égo : c’est la manière dont on se voit, la représentation que l’on se fait de nous-même. Par exemple, on peut se voir comme un parent aimant, comme un conjoint patient, comme une personne aidante, travaillante, intelligente, etc. – bref, avec telle ou telle qualité que l’on est fier d’avoir. Quand des gens, par leurs commentaires ou leur attitude, menacent de porter atteinte de manière négative à la manière dont on se voit, ça crée bien sûr des émotions désagréables en nous, telles que le stress.
Exemples : Quelques situations qui peuvent être ressenties comme des menaces à votre égo : vous avez peur de revoir tel professionnel, parce que la dernière fois, il vous avait critiqué sur votre rôle parental ; votre proche atteint a tendance à vous lancer des reproches qui vous atteignent dans votre estime personnelle ; vous avez peur qu’on vous fasse sentir ridicule ou incompétent si vous racontez à quelqu’un comment vous vous sentez.
Pistes de solutions : Quand on se sent diminué dans notre estime ou menacé dans notre sentiment de compétence, il est normal de le prendre personnellement. Bien sûr, personne n’est parfait, on peut même faire de plus grosses erreurs par moments, et il est parfois nécessaire que quelqu’un nous fasse voir ce qu’on fait moins bien – mais il y a des moyens de faire comprendre les choses de manière constructive plutôt que destructive. Il arrive que la manière dont une personne nous traite en dise plus long sur son état émotionnel ou sur sa personnalité générale que sur nous-même. Certaines réactions de l’autre peuvent être liées à nous, et d’autres non.
Derrière le message blessant qu’on reçoit, il peut se cacher une souffrance mal exprimée, ou un manque d’habiletés sociales. Même si ça n’excuse pas les choses, ça peut nous aider à mieux les comprendre. Dans ces moments, le défi est de savoir recevoir l'émotion, le besoin ou l’information que l’autre essaie de nous transmettre, et qui peuvent être tout à fait pertinents et valides - mais sans se laisser envahir émotionnellement par les critiques négatives qui l'accompagnent. C'est un exercice qui peut être très difficile pour notre égo. Il faut aussi se rappeler que les personnes qui nous critiquent ne connaissent malheureusement pas toujours toute la volonté, les efforts de faire mieux et la peine qu’il y a en nous ; il est ingrat, mais facile, de critiquer l’autre lorsqu’on ne sait pas tout ce qui se mobilise en lui.
Il peut effectivement arriver que l’on ait fait des erreurs dans le passé, ou que l’on ait des choses à améliorer dans ce qu’on fait présentement. Lorsque ça arrive, il est important d’en prendre conscience, afin de pouvoir ajuster nos comportements. Par contre, il faut rester compatissant envers nous-même, en comprenant qu’on est toujours en apprentissage, et que notre intention n’était pas de mal faire. Ce qui peut être difficile à nuancer pour notre égo, c’est d’arriver à reconnaître nos erreurs, sans toutefois remettre en question nos qualités et notre valeur. Mais même si l’exercice est difficile, on doit essayer d’être honnête avec nous-même, et arriver à s’auto-observer en laissant notre égo de côté.
Nous avons tous des qualités, des forces et une valeur intrinsèque qu’on continue d’avoir peu importe les erreurs qu’on fait. Il est important de se le rappeler. Et quand on doute de nous-même ou de notre compétence, il peut être bon de passer un moment avec une personne de confiance (un(e) ami(e), un(e) conjoint(e), un parent, etc.), qui pourra nous aider à nous rappeler qu’on est une bonne personne avec de belles qualités. Et lorsqu'on reçoit des critiques de quelqu'un, il est toujours possible d'admettre que même si on a parfois du mal à savoir comment bien faire les choses, on essaie quand même de faire du mieux qu'on peut avec ce qu'on sait. Quand on reconnaît nos forces et notre valeur, il est plus facile de s'affirmer face à ceux qui n'ont que des mauvaises choses à nous dire. Ça nous aide aussi à mettre des limites sur ce qu'on accepte de tolérer ou pas de la part des autres. Bref - un des principaux défis que nous amène la menace à l'égo, c'est de savoir reconnaître et admettre les erreurs qu'on a pu faire, tout en restant conscient de nos qualités et de notre valeur. Le fait de faire la part honnête des choses, en reconnaissant ce qui est vrai et en laissant aller les critiques qu'on ne mérite pas, est peut-être le meilleur moyen d'y arriver.
Conclusion
Pour conclure, une situation peut facilement regrouper plusieurs éléments du C.I.N.É. à la fois - et évidemment, plus c'est le cas, plus cette situation risque d’être stressante pour nous. Quand vous vous sentez envahi par le stress, essayez de prendre un moment pour décortiquer les causes de ce que vous ressentez, et pensez à comment vous pouvez essayer d'agir sur ces causes. Et si le stress s'accumule de plus en plus et se transforme en anxiété au quotidien, il est toujours possible d'aller chercher de l'aide vers des professionnels comme au Portail. Le stress a beau être du « ciné », mais avec les bonnes ressources, votre film pourra bien se terminer!
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