Les journées grises, la noirceur qui arrive plus tôt, le froid qui revient... L'automne peut être une période plus éprouvante pour le moral, en particulier pour les personnes atteintes de maladie mentale.
On a souvent le réflexe de réagir aux difficultés seulement au moment où elles cognent à notre porte. Mais si on essayait de se préparer d'avance à leur arrivée ?
POURQUOI PRÉVOIR :
Planifier en vue des moments difficiles, ce n'est pas nécessairement agréable ou confortable. Par contre, ça peut devenir vraiment aidant quand vient le moment où on a besoin de solutions rapidement, comme en période de crise. Parce que même si on veut croire que ça va continuer de bien aller, les rechutes sont possibles ; envisager cette éventualité, plutôt que la nier, permet de s’y préparer.
Pour plusieurs raisons, il peut être difficile d’aborder votre proche atteint au sujet de la planification en vue d’éventuelles rechutes. On peut ressentir un certain malaise, avoir peur de sa réaction. On se sent mal de lui faire penser à des moments négatifs, et d’ailleurs, on n’a nous-même pas envie de se replonger dans ces émotions difficiles pendant les moments où ça va bien, et c’est bien normal. On ne veut pas trop penser à ce qui pourrait aller mal lorsque ça va bien. C'est humain : on veut profiter des périodes agréables pendant qu’elles passent.
Mais c’est souvent pendant ces ‘’bonnes périodes’’ que les choses sont plus faciles à planifier, que la réflexion se fait mieux, que l’écoute est plus présente et la communication plus saine. Quand on est en mode urgence à cause d’une crise, et qu’on est envahi par l’inquiétude, la colère ou la fatigue, on n’est plus toujours en mesure de réfléchir ou communiquer efficacement – et c’est la même chose pour notre proche atteint, qui risque de devenir moins fonctionnel et moins disponible mentalement et émotivement lorsque les moments difficiles reviennent.
QUOI FAIRE :
Alors, quoi faire concrètement pour se préparer aux moments difficiles ? Il faut d’abord se rappeler que chaque personne est unique et aura ses propres solutions, adaptées à elle. La communication est importante à ce niveau, afin de bien comprendre ce qui conviendra ou non à chacun. À partir de ce constat, ma suggestion serait alors de faire un plan, et d’y inclure autant que possible votre proche atteint dans son élaboration.
Par exemple, déterminez avec lui des actions-clés à entreprendre lorsqu’il commence à aller mal. Est-ce qu’il est capable de cibler au moins une chose qui diminue son mal-être ou qui l’aide à aller un peu mieux lors de périodes plus difficiles ? Profitez d’un moment où les choses vont bien pour faire ensemble une liste de moyens, de choses à faire ET à ne pas faire afin de l’aider (parce que, malgré toute notre bonne volonté, il arrive que certaines de nos actions ou de nos réactions soient moins adaptées à la situation). Demandez-lui ce qui l’aide à aller mieux. Ça peut inclure autant les passe-temps individuels, les activités sociales, les rencontres avec un(e) intervenant(e), la médication, les moments tranquilles ou les discussions – peu importe ce qui peut aider, on le note.
Posez des questions à votre proche. Demandez-lui quels sont ses besoins ? Ses craintes ? Comment se sent-il dans telle situation de crise ou de vie courante ? Qu’est-ce qu’il attend de nous ? On pense parfois que certaines réponses sont évidentes ou vont de soi, mais ce n’est pas toujours le cas. Il faut aussi se rappeler que les solutions de notre proche ne sont pas toujours les nôtres, et vice-versa ; si c’est possible, trouver un compromis ou un terrain d’entente où chacun se sentirait respecté dans ses attentes et ses besoins pourrait être vraiment aidant à l’élaboration d’un plan commun.
Il faut bien sûr faire un plan par rapport à la personne atteinte, mais il ne faut pas oublier d’en faire un pour soi-même. Vivre l’impact (parfois intense) des symptômes négatifs de quelqu’un qu’on aime, ça nous secoue nous aussi. Qu’est-ce que vous faites quand vous vous sentez épuisé, submergé par la situation ? Quelles manières utilisez-vous pour vous changer un peu les idées ? À qui pouvez-vous vous confier lorsque vos émotions débordent ? Il peut être utile de se poser ces questions, et de prendre un 5 minutes pour y trouver nos propres réponses.
Incluez des pauses dans votre plan personnel. Pas seulement quand ça va mal, mais aussi au quotidien. On ne peut pas prendre de l’eau à partir d’une carafe vide ; on ne peut pas puiser dans notre énergie intérieure pour affronter les difficultés si on n’a plus d’énergie en nous. Dites à votre proche que vous devez être bien reposé si vous voulez être capable de bien l’aider. Votre plan en tant qu’accompagnateur d’une personne atteinte doit contenir des moments de repos, une liste d’activités qui vous font du bien, de manière sociale ou individuelle. Pensez à vous, aux petits moments de la vie que vous trouvez agréables – et ne négligez pas de faire ces petites choses, car c’est elles qui vous aideront à garder ou retrouver votre énergie. Enfin, ciblez des personnes à contacter quand ça va moins bien, que ce soit un membre de votre famille ou un(e) ami(e) proche à qui vous êtes à l’aise de vous confier, ou encore une ressource comme le Portail, qui apporte du soutien aux membres de l’entourage.
En tant qu’humains, nous avons tous certaines limites, et il est important aussi de les prendre en considération quand on planifie notre accompagnement aux côtés d’une personne atteinte de maladie mentale. Il faut être capable d’identifier quelles sont nos limites personnelles, et de quelle manière on compte s’assurer que celles-ci soient respectées. On peut par exemple dire à notre proche : « Si la situation se rend à tel point, ce sera trop difficile à bien gérer pour moi », et nommer calmement de quelle manière on prévoit agir si jamais ça arrive.
Comme mentionné plus haut, ça peut vraiment aider d’inclure la personne atteinte dans l’élaboration d’un plan de crise ; en donnant son opinion et en choisissant elle-même des moyens, il y a beaucoup plus de chances qu’elle soit coopérative et ouverte à appliquer ces moyens choisis le moment venu. Par contre, ce n’est malheureusement pas tout le monde qui est à l’aise ou qui a une communication assez bonne avec son proche pour pouvoir concevoir un tel plan avec lui.
Si on ne peut pas travailler en collaboration avec notre proche sur quoi faire en situation de crise, on a tout de même toujours du contrôle sur notre plan personnel, celui des actions à poser pour notre propre mieux-être en tant qu’accompagnateur. Dans tous les cas, il faut aussi se souvenir qu’en cas de crise, même si la personne atteinte n’est pas en mesure de collaborer avec nous, il ne faut pas hésiter à contacter le 911 si elle représente un danger pour elle-même ou pour autrui. Que ce soit les services d’urgence ou un organisme comme le Portail, vous aurez toujours des ressources disponibles pour vous aider en tant que membre de l’entourage.
En résumé, il ne faut pas perdre de vue que le moral et l'énergie sont des choses variables et parfois instables, pour nous tous, mais souvent encore plus pour une personne atteinte de maladie mentale. Avoir un plan prévu pour les rechutes pourra être rassurant pour vous comme pour votre proche, et vous permettra de profiter encore plus pleinement des bonnes périodes. On ne peut pas toujours empêcher les crises ou les moments difficiles d'arriver, mais en s’y préparant d'avance, on peut en atténuer leur impact futur, et se sentir plus rassuré au présent.
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