En tant qu'humains, nous avons tous nos qualités et nos défauts, nos forces et nos faiblesses. Il arrive cependant que certaines circonstances de la vie mettent davantage en évidence nos limites personnelles. Les personnes qui vivent avec des problématiques de santé mentale doivent souvent composer avec les limites et les défis que leur impose la maladie. En tant qu'entourage, quand on regarde notre proche atteint, on peut parfois avoir un peu tendance à le voir à travers le filtre de sa maladie, comme si c'était le principal aspect de son identité ; mais il faut se souvenir que la personne devant nous est beaucoup plus que ça.
Pourquoi on voit parfois la maladie avant la personne
Il faut le reconnaître : les problématiques de santé mentale peuvent être particulièrement envahissantes. Par exemple, si une personne souffrant de dépression ou de schizophrénie vit une période de crise, toutes les sphères de sa vie risquent d'en être provisoirement impactées. Dépendant de sa problématique, la personne pourra se sentir désespérée et voir tout en noir, ou bien elle aura peut-être du mal à garder contact avec la réalité. Toutes ces choses affectent forcément la capacité d'une personne à bien fonctionner sur le moment. La maladie revient donc à l'avant-plan, et il est difficile d'en faire abstraction.
Ensuite, on sait aussi que les problématiques de santé mentale peuvent venir teinter certains aspects de la personnalité. Par exemple, une personne atteinte d'un trouble de la personnalité limite vivra souvent dans sa vie en général des émotions d'une plus grande intensité ; les personnes souffrant d'un trouble anxieux, quant à elles, vivront de l'anxiété plus souvent et plus facilement au quotidien. Ces traits amenés par la maladie se mêlant au caractère normal de la personne qui en est affectée, cela peut rendre encore plus ardu de séparer la personne de son trouble de santé mentale.
Les risques de confondre la personne et la maladie
Concrètement, pourquoi est-ce que ça peut devenir problématique de ne voir la personne qu’à travers sa maladie? Tout d’abord, pour la simple raison qu’il est dommageable pour n’importe qui d'être vu uniquement via une étiquette qui nous a été mise, sans autre considération pour comment nous sommes au fond. Nous sommes tous des êtres complexes, avec des besoins, des peurs, des espoirs, et un potentiel d’évoluer et d’avancer. Il peut être insultant et frustrant pour une personne qu’on ignore ou qu’on mette de côté le reste de sa personnalité, simplement parce qu’elle est atteinte de maladie mentale. Il faut reconnaître que les symptômes existent, certes, mais il faut aussi se donner la peine d’aller voir au-delà.
Parlant de symptômes, un autre risque de mélanger la personne avec sa maladie est d’en venir à croire que tout est, justement, « un symptôme de la maladie ». Les êtres humains ont tous des émotions, c’est une chose naturelle. Un moment de colère ou une crise de larmes ne sont pas nécessairement les résultats d’une pathologie – parfois, on est juste fâché, ou bien on est juste triste. Votre proche, tout comme vous-même, a un vécu et des valeurs qui peuvent venir influencer la manière ou l'intensité dont il réagit à certaines choses. Le danger de penser que toute émotion négative ou un peu intense de notre proche atteint est un symptôme de sa maladie, c’est qu’on peut en venir à minimiser l’émotion qu’il vit, à trouver qu’il « exagère », à ne pas le prendre vraiment au sérieux. On ne cherchera peut-être pas à comprendre le besoin et la raison réels derrière son sentiment. Ces attitudes risqueraient d’être fort néfastes envers notre proche, qui se sentirait alors incompris, invalidé, frustré - et ces sentiments pourraient éventuellement nuire à la relation de confiance qu'il a avec nous.
Un autre danger de confondre la personne et la maladie, c’est que ça peut amener autant l’entourage que la personne atteinte à croire qu’il n’y a plus rien à faire pour l’aider, que sa maladie est devenue son « identité », bref, à voir son état comme une condamnation. Nul besoin de mentionner que cet état d’esprit peut être vraiment décourageant pour les personnes qui le vivent, et nuire à la présence de l’espoir. Se souvenir que la personne et la maladie se côtoient mais sont quand même distinctes, c’est se souvenir que la personne a en elle des forces et des ressources qui pourront éventuellement permettre l’amélioration de sa situation.
Enfin, lorsqu’on comprend que les symptômes de la maladie peuvent faire en sorte que notre proche n’est pas toujours tout à fait lui-même, cela peut aider à prendre de manière moins personnelle certaines situations ; par exemple, si notre proche est dans un état de crise intense où les émotions négatives entravent sa capacité à raisonner ou à bien percevoir la réalité, il se peut qu’il ait des attitudes envers nous qu’il n’aurait pas en temps normal, et qui ne représentent pas ce qu’il est réellement. En somme, il faut se souvenir que certaines choses appartiennent à la personne, et d’autres résultent de la problématique qu’elle vit ; même s’il est parfois difficile de faire la distinction entre les deux, on doit se rappeler que cette distinction est tout de même là.
Mettre de l'avant le positif
Essentiellement, pour aller mieux, il faut influer sur deux aspects généraux : diminuer le ressenti négatif, et augmenter le ressenti positif. Il est important de mettre de l'énergie sur chacune de ces parties si l'on veut réussir à se rétablir et à se sentir mieux : travailler à apaiser les émotions souffrantes vécues (par exemple, avec l'aide d'un suivi professionnel), et entretenir autant que possible les émotions agréables. D'ailleurs, vous connaissez peut-être la fameuse fable des deux loups : un des loups représente le positif en nous, et l'autre représente le négatif en nous. Les deux animaux sont ainsi en combat constant l'un contre l'autre à l'intérieur de nous, chacun essayant d'avoir le dessus sur l'autre. Au final, le loup qui gagne, c'est celui qu'on nourrit. En d'autres mots, on doit donc alimenter notre vie d'éléments positifs pour aider à surpasser le négatif, et réussir à aller mieux.
Mais comment mettre de l'avant les bonnes choses dans des situations comme la présence de maladie mentale? En fait, il est possible que la personne devant nous ne soit pas dans un état où elle est capable de voir ou de ressentir beaucoup de positif présentement. On ne peut pas nécessairement éteindre la souffrance de l'autre, mais on peut lui dire que les creux et les crises sont passagers, même s'il ne le ressent pas comme ça en ce moment. Le négatif est encore présent, mais il faut arriver à se souvenir qu'il existe autre chose que ça, et mettre l'emphase sur les actions qui peuvent faire vivre des émotions plus positives, même si c'est juste pour un moment.
Par exemple, si votre proche a un intérêt particulier, encouragez-le à essayer d'y consacrer un peu de temps. S'il a suffisamment d'énergie, proposez-lui une petite sortie qui pourrait lui faire plaisir. Vous pouvez l'aider à cuisiner un bon repas, lui suggérer d'écouter avec lui un film qu'il aime. Rappelez-vous de respecter ses capacités et son rythme, de ne pas le forcer, mais simplement de lui faire des propositions, de l'encourager au besoin, et de l'aider à comprendre que les possibilités sont là. Misez également sur les routines : un quotidien et un environnement prévisibles peuvent être particulièrement bénéfiques pour les personnes atteintes. En bref, l'idée n'est pas d'effacer par magie tout ce qui va mal, mais plutôt, d'essayer de parsemer le quotidien de votre proche de petits moments plus plaisants, plus lumineux. À la longue, ces petits moments pèseront probablement dans la balance qui lui permettra de reprendre progressivement du mieux. Mettre de l’avant le positif aide à rééquilibrer les choses peu à peu.
Le trouble que vit notre proche peut également lui faire avoir des attitudes et des comportements qui nous font ressentir de la peine, de l'inquiétude, et même parfois du ressentiment. Il est bien sûr important de ne pas tolérer les situations dangereuses ou irrespectueuses - mais quelquefois, on a simplement besoin de se rappeler que la personne qu'on aime a plus de bons côtés que ce qu'on en voit ces temps-ci. Se donner la peine de voir l'autre dans son ensemble - tout en restant authentique sur notre ressenti de la situation - peut aider à aller au-delà du ressentiment, et nous encourager à cultiver une relation plus agréable avec notre proche, qui aidera à solidifier le lien de confiance. Parfois, il est aussi difficile pour notre proche lui-même de voir autre chose que sa maladie, que ses propres limites, et de se souvenir qu'il a une vie et une personnalité beaucoup plus vastes que cela. Dans ces moments, il peut être intéressant de suggérer à votre proche de faire une liste de ses forces, de ses qualités, des choses qu'il aime, de tout ce qui, selon lui, le définissait avant sa maladie (vous pouvez même l'y aider s'il accepte). L'exercice peut sembler banal, mais parfois, le fait de mettre ce genre de choses par écrit peut aider à remettre de l'ordre dans nos perceptions, à focuser sur les aspects positifs de notre identité, et à se rappeler qu'on est beaucoup plus que les difficultés qu'on traverse en ce moment.
En conclusion
Voir votre proche au-delà de sa maladie permet non seulement de considérer la personne devant vous de manière plus complète et respectueuse de ce qu'elle est, mais permet aussi d'entretenir l'espoir, de comprendre qu'il y a plus de positif possible que ce qu'on peut vivre dans le moment présent. Essayez de rappeler à votre proche, lorsqu'il n'arrive plus à s'en souvenir par lui-même, qu'il a une vie au-delà de sa maladie, avec des passe-temps, des passions, des gens qui l'aiment. Toutes ces choses, même s'il n'arrive plus vraiment à les ressentir ou à y penser en ce moment, sont quand même encore là, et elles ne disparaîtront pas.
コメント